L'antisémitisme moyenâgeux d'aujourd'hui
Au moyen âge dans toute l’Europe les Juifs étaient persécutés et comme souvent accusés de tous les maux.
Ce fut le cas en 1348 en Catalogne. En 1328 à Pampelune se déchaîne, comme dans beaucoup d’endroits, un pogrom. Idem à Carpentras.
Inutile d’établir la liste.
Las des pogroms et pour se protéger, les Juifs s’enferment dans des murailles mais après en avoir demandé l’autorisation.
Si les juifs demandent à être enfermés pour être protégés, c’est que de toute façon ils sont ségrégés de la population chrétienne et par elle. La politique de l’église, notamment, vise à leur ôter tout crédit social et à les marginaliser. Par exemple Saint Vincent Ferrier, que l’on peut retrouver en bonne place sur le site du Vatican aujourd’hui, s’avère au début du 15ème siècle être un ardent partisan de l’œuvre d’écarter le Juif à l’instar des filles publiques…
Souvent c’est le pouvoir politique, le comte de Provence à Grasse par exemple, ou le roi d’Aragon, qui sera plus protecteur pour les Juifs en tenant compte de ses propres intérêts.
Mais c’est l’église qui à cette époque distille sa haine au quotidien.
- Enfermés, oui.
Mais en en plus dans des zones insalubres et insuffisantes, ce qui génère une surpopulation comme en Avignon où d’ailleurs seuls les médecins sont autorisés à sortir librement…
À partir de cette vision humiliante du Juif, se construisent des insertions chimériques.
Pour mieux pouvoir les persécuter comme à Avignon après le port de la rouelle, on imagine qu’ils ont introduit la peste.
Ce n’est que l’occasion de faire parler la rue qui pour aller au bout de son délire, les massacrera.
- Le Juif impur
A cela s’ajoute le troisième thème de prédilection de l’antisémitisme : le Juif est impur. Cette infamie leur est faite en réponse aux règles de la loi juive qui interdit par exemple à un Juif de consommer un vin touché par des gentils. Mais c’est un trucage car la loi juive ne pose pas cela en termes d’impureté mais pour éviter toute libation et maintenir l’usage du vin dans la sphère spirituelle du shabbat notamment.
le Juif subit un ostracisme permanent
Ainsi au fil des siècles le Juif subit un ostracisme permanent. A Salon de Provence par exemple, un édit de 1358 interdit aux Juifs de toucher légumes, fruits, viande sans les acheter sur le champ au prix du vendeur, car une fois touchée par un Juif, le fruit souillé n’est plus vendable.
Le péché de fornication avec une Juive est violemment désapprouvé et depuis le milieu du XIIIème siècle les Conciles du sud de la France l’assimile à l’accouplement avec les bêtes, pêché dont l’évêque se réserve d’ailleurs de donner l’absolution !
Dans l’autre sens, complémentaire du précédent, interdiction est faite aux femmes chrétiennes d’entrer dans la juiverie.
- L’histoire bégaie
Pourquoi ce rappel historique ? Parce que l’histoire bégaie.
Le même reproche est fait aujourd’hui aux Juifs via l’état d’Israël accusé d’apartheid par une tribune publiée dans le journal Libération fin juillet.
Il faut bien comprendre ce que cette accusation laisse planer comme une menace. Cette invention du Juif qui refuse de vivre avec les autres était la clé de voûte de la persécution des Juifs au moyen-âge.
Le raisonnement est le suivant : les Juifs vivent à part, cela crée leur impureté et justifie les lois pour les écarter et les accuser de tous les maux. Les Juifs vivent en apartheid en Israël, ce pays doit être contesté et les lois internationales ne doivent pas s’y appliquer: il peut donc être écrasé.
Cette accusation reprend mot pour mot sa moyenâgeuse ancêtre.
Or que constate-t-on en France aujourd’hui !? Dans le même mois on peut lire d’une part cette tribune dans Libération sur le soi disant apartheid, et d’autre part, l’on voit se répandre la campagne : “Qui ?” animant les réseaux sociaux et les manifs des antivaccs ! Sous-entendu Qui est derrière ce virus !? Les Juifs bien sûr, comme ils étaient derrière la peste au moyen âge.
Donc en quelques jours ressurgissent les fondamentaux de l’antisémitisme. Les Juifs vivent à part et ce sont eux qui fomentent les épidémies et en tirent profit.
- Un terrain fertile aux actes antisémites
Mais l’ histoire nous apprend que l’antisémitisme se nourrit de la combinaison d’un substrat populaire, dont l’objet est de se manifester dans la rue de plus en violemment, et d’une volonté politique et/ou d’une doxa religieuse.
Lorsque deux de ces trois éléments se rencontrent, alors se propage un terrain fertile aux actes antisémites. C’était le cas au moyen-âge où la doxa religieuse chrétienne a nourri le substrat populaire et s’en est nourrie! l’Inquisition a organisé la rencontre.
Durant la dernière guerre c’est au tour de la sphère politique d’ouvrir les vannes de l’antisémitisme le plus totalitaire jamais enfanté par l’Occident. Le politique se saisit alors du substrat populaire et produit la Shoah et son cortège de 6 millions de morts.
Il est évident que l’on voit que beaucoup d’éléments poussent à faire converger dans la sphère politique l’inconscient pathologique antisémite de la population.
C’est à cela que nous sommes en train d’assister aujourd’hui.
Cette tribune du journal Libération est une étape décisive de l’incursion dans le politique de l’idée suivant laquelle les Juifs veulent vivre à part et que par conséquent il va falloir les traiter différemment des autres; il va donc falloir édicter des lois pour les encadrer; il va donc falloir aboutir à la destruction de l’Etat d’Israël, pays qui ne peut être traité comme les autres et doit être enfermé dans le ghetto des nations.
La mécanique moyenâgeuse est en marche, appliquée à un Etat et par extension à tous les Juifs. Cette analyse est facilement corroborée par le nombre de signataires et leurs différentes origines.
Pourquoi donc se mettre à 1000 pour signer une telle tribune ? Elle fait pendant aux exactions des foules se ruant dans les quartiers juifs ! C’ est une véritable autoproclamation, ce n’est plus une tribune d’opinion mais une manifestation écrite. Le nombre est là pour imposer et pour faire trembler ! Pour enfoncer et couper court.
Mais ce qu’il faut voir ici à l’œuvre c’est l’introduction déterminée et assumée du politique dans la mise à l’écart du Juif Israël.
Les Juifs n’ont jamais été à l’origine de la peste en Europe médiévale pas plus qu’Israël n’est un état d’apartheid. Mais peu importe la réalité: ce qui importe, c’est le fantasme chimérique qu’il faut déclencher par tous moyens.
- Ce qui est très grave ici, c’est que le déclenchement entre dans la sphère politique.
Il s’agit là simplement de réactiver l’idée fondamentale à la base de l’antisémitisme que le Juif veut vivre à part et ne se mélange pas.
Il doit donc être ségrégé puisque lui-même le veut.
L’accumulation de haine que pourra promouvoir cette accusation prononcée par des “intellectuels” et des “artistes” viendra renforcer le substrat populaire antisémite et prépare les prochaines exactions.
Non, Israël n’est pas un état d’apartheid, mais cette chimère nauséabonde porte en elle et fait le lit d’un antisémitisme de plus en plus assumé par une partie de la sphère politique qui arme ainsi le bras de la rue.
Pendant ce temps, des dizaines d’Etats totalitaires prospèrent sans que ces cuistres ne bronchent et ne trouvent à s’exprimer, à commencer par l’Iran qui peut se doter dans quelques mois de l’arme atomique et menace ouvertement Israël de destruction.
Mais ce texte assassin des mille, après les mêmes accusations totalement insupportables du ministre français Le Drihan, vient à propos pour expliquer qu’après tout ils l’auront bien cherché et contribue à préparer ainsi le dédouanement de la communauté internationale.
Pour l’avenir de la paix et pour les années à venir, il est urgent de dénoncer ces accusations porteuses de haine et de ne pas les laisser prospérer.
- Une réponse forte est indispensable.
© Frédéric Joseph Bianchi
Frédéric Joseph Bianchi Président de l’Association Terra Eretz Corsica Israël
(article publié dans TRIBUNE JUIVE)